SAINT JEAN DE THESSALONIQUE SURNOMME NANNOS*
Saint Jean naquit dans une famille pauvre de Thessalonique. Pour subvenir à l'entretien de celle-ci, son père était parti travailler à Smyrne, comme savetier, et y avait fait venir ses deux fils, Théodore et Jean, dès qu'ils furent en âge de travailler. Bien qu'illettré Jean montrait une piété remarquable et un grand zèle pour écouter son frère lui lire l'Ecriture Sainte ou les vies des Saints, dont il gravait profondément les hauts faits en sa mémoire d'enfant. Un jour, le 3 mai 1802, son père l'envoya livrer des souliers chez le héraut du marché. Ne le voyant pas revenir, il envoya son autre fils et ses neveux s'informer de son sort. Quelle ne fut pas leur stupéfaction d'apprendre que Jean avait apostasié et s'était converti, le jour même, à l'islam. Ne pouvant croire à un si grand et si rapide changement en celui qui montrait les plus grandes marques de piété et de répulsion pour les ennemis de la Foi, ils partirent à sa recherche et finirent par découvrir qu'il était entré au service d'un notable turc, et avait reçu le nom de Mehmed. Mais les serviteurs de la demeure ne les laissèrent pas approcher et les chassèrent à coups de bâtons.
* C'est-à-dire "Le Nain", ou plutôt ici "Le Petit".
Quelques jours plus tard, un de ses cousins rencontrant Jean, détourna ostensiblement la tête et lui dit qu'il refusait de saluer un apostat. Jean lui répondit : "Dans moins de quinze jours, tu verras quel sorte de Turc je suis!" Une autre fois, des Chrétiens de sa connaissance, voyant qu'il avait gardé ses pauvres vêtements, se moquèrent de lui, disant qu'il n'avait même pas obtenu de beaux habits pour prix de son apostasie. Il leur rétorqua : "Au contraire, je les ai, et vous allez bientôt me voir les porter, avec des armes d'or, sur la place du marché." Puis il se rendit chez un Chrétien, Dimitrios, et lui demanda une croix. Celui-ci refusa avec mépris de la lui donner; mais, après réflexion, il alla informer son père, de toutes ces déclarations mystérieuses qui laissaient soupçonner que Jean n'avait renié qu'en apparence, afin d'imiter les Martyrs dont il avait écouté la vie avec tant d'avidité.
Le dimanche 25, après une nouvelle visite à Dimitrios, Jean rentra chez son maître et, changeant ses vêtements turcs, il alla se présenter au tribunal, vêtu en Chrétien, portant seulement la coiffe musulmane sur la tête. Il fit là une confession éclatante de la Foi et déclara qu'il refusait tout autre nom que celui de Jean. Il fut alors jeté en prison, et la nouvelle se répandit dans la ville qu'un nouveau Martyr se préparait à témoigner dans le sang. Deux jours plus tard, il comparut de nouveau au tribunal, devant un large auditoire. Tout tendu vers les réalités célestes, l'enfant restait sourd aux promesses des Turcs et leur répondait par ces seuls mots : "Je suis Chrétien. Je veux m'appeler Jean et non Mehmed!" On décida de l'embarquer sur un navire en partance pour Alger, avec trois cents Turcs à bord; mais le Saint obtint un délai de deux jours. Le jeudi, après une nouvelle comparution, pendant laquelle il resta toujours aussi indifférent aux propositions flatteuses et aux riches vêtements qu'on lui proposait, le juge excédé lui dit : "Va donc où tu voudras, Mehmed, et épargne ta vie." Mais le Saint répondit : "Non, je veux sortir d'ici avec le nom de Jean!" Il fut alors condamné à mort et conduit sans retard vers la place du marché, précédé par le héraut qui fendait à grand peine la foule immense, composée de Turcs, de Grecs, d'Arméniens et de Latins, et criait : "Voyez comment sont punis ceux qui renient notre Foi." Le Saint disait aux Chrétiens qui s'étaient rassemblés en masse : "Pardonnez-moi, et Dieu vous pardonnera." Il s'agenouilla, le visage rayonnant et, refusant toute autre proposition de sauver sa vie, il eut la tête tranchée (jeudi 29 mai 1802). La foule se précipita aussitôt : les uns pour vénérer le Saint, d'autres pour imbiber des linges de son sang, d'autres pour obtenir des bourreaux, à prix d'argent, des cheveux ou un fragment de ses vêtements. Comme on risquait de découper son corps même, un Grec de Moscou obtint du préfet l'achat de la Sainte dépouille et alla l'inhumer dignement.