Paisius Yaroslavov (un vénéré Staretz russe, que nombreux pensent avoir été le maître de Nil en Russie) et Nil étaient tous deux présents au Synode de 1490. Ils étaient connus comme opposants tant aux persécutions séculières qu'au procès ecclésiastique contre les hérétiques. Et tous deux, lorsqu'ils avaient à traiter d'infractions tant par des Moines que par des laïcs, conseillaient toujours le pardon et la charité.
Nil pensait que la relation entre un être humain et Dieu n'était connue que de Dieu Seul. Il posa des questions sur le rôle de l'Eglise pour tenter de ramener des soi-disant hérétiques dans le bercail de l'Eglise avec quoique ce soit comme autres moyens que l'admonition, la prière et l'exemple. Bien qu'il n'y ait plus de comptes-rendus spécifiques des échanges entre ceux qui étaient contre les persécutions à l'encontre des Judaïsants d'une part, et les Joséphites qui soutenaient leur excommunication et mise à mort de l'autre, Nil maintint toujours son opposition contre la punition corporelle et l'exécution. Certains auteurs présentent que d'après eux il aurait pu avoir admis "certaines circonstances" où l'Etat pourrait intervenir dans la punition des hérétiques, mais que lui "il était l'avocat de la clémence, comme convenant mieux à des Chrétiens. Dans tous les cas, il s'opposa résolument à la peine capitale. Saint Nil enseigna sans la moindre compromission que la conscience humaine devait être libre, et que 'Nul ne devrait être persécuté pour ses vues religieuses'."
On doit se rappeler que la torture et l'exécution des hérétiques par l'Eglise et l'Etat était la norme à travers l'Europe occidentale à cette époque-là. En ce qui concerne Nil, avoir parlé contre les persécutions tant civiles qu'ecclésiastiques des hérétiques était vraiment une approche révolutionnaire, hors des normes traditionnelles du moment. Les vues de Nil sur la liberté de l'individu à poursuivre une relation personnelle avec Dieu et l'idée que Dieu Seul pouvait définir la relation était incroyablement tolérante vu sa culture et société. Il n'y avait pas de philosophie compliquée, ni de propositions théoriques qui étaient à la base de sa tolérance et de ses idées de liberté. Il basait sa vue sur la notion du pardon et de la charité chrétienne. Il se tournait toujours vers le Christ comme un exemple que tous nous devrions suivre, pas seulement dans le développement de nos relations avec Dieu, mais aussi pour les autorités civiles et la hiérarchie de l'Eglise. Il insistait pour que nous nous souvenions que l'idée civile d'une société chrétienne était basée en premier sur cet appel constant au pardon et à l'amour. Et dès lors que ces institutions et autorités (y compris le Tsar) qui cherchaient à imiter le Christ devaient servir d'exemple dans leur capacité à pardonner et à accepter de nouveau dans le bercail ceux qui s'étaient éloignés des traditions et compréhensions de l'Eglise.
Il y a plusieurs perspectives historiques dans ces événements qui sont en discussion. Mais quelles que soient les particularités de la chronologie, le fait est que les hérétiques furent pour finir tués ou emprisonnés, et que l'Hérésie des Judaïsants fut effacée, ou forcée à vivre encore plus cachée. La tolérance et la charité chrétiennes que Nil conseillait, pour le temps qu'elles ont pu durer, ont finit par succomber face aux standards du jour, en considération avec le traitement de ceux "en dehors" des traditions de l'Église.
Depuis des années, Nil avait vécu dans son Skete [ou ‘skite’, = ermitage] du désert avec une douzaine de Moines. Il avait peu de contacts avec le monde extérieur. Il était admiré pour son érudition et son humble dévotion à Dieu, et pour son service effacé envers ses étudiants et l'Église. Ils avaient bâtit ensemble des huttes individuelles comme cellules, et une petite chapelle pour la Liturgie et le culte. Ils maintenaient une vie sévère et simple, comme ascètes et contemplatifs hors des soucis mondains des grands monastères, et des soucis et problèmes que ceux-ci avaient du fait de leurs grandes propriétés terriennes. Les Moines du Skete de Nil étaient engagés dans la prière et la contemplation, se rassemblaient chaque semaine pour la Liturgie, et copiaient et traduisaient les écrits dans anciens Pères de l'Église. On rapporte que Nil aurait rédigé des "Vies de Saints" faisant autorité, et un commentaire sur les Ascètes du désert qu'il admirait aussi. Nil avait toujours insisté pour que les Moines de son Skete aient leur propre travail et de quoi se subvenir à eux-mêmes. Ils ne possédaient pas de grandes terres ni n'employaient de paysans pour leurs travaux ni n'avaient de travailleurs ou de serviteurs attachés. Ils vivaient aussi simplement que possible, et Nil évitait les intrigues politiques et ecclésiastiques qui étaient légions dans le milieu féodal du moment. Il était hors du machiavélisme ecclésiastique qui montait les Abbés et les Evêques et les clercs les uns contre les autres.
Personne ne s'attendait à ce que cet homme simple mais érudit, timide et retiré, et visiblement engagé dans des activités loin des soucis du monde vienne se tenir debout et dénoncer les abus de pouvoir et du système des propriétés terriennes qui prévalait dans la communauté monastique. Alors que les clercs assemblés étaient assis, ébahis, à écouter son appel déchirant pour un retour à la simplicité spirituelle et à l'austérité, ils réalisèrent qu'il avait appelé à la destruction du système de propriété ecclésiale tel qu'il existait. Joseph, qui était un grand partisan des grandes propriétés monastiques et communautés, et qui avait quitté l'assemblée, fut ramené par ses collègues pour relever le défi de la position mise en avant par Nil.
Joseph s'était trouvé de l'autre côté de la barrière durant les sessions concernant les Judaïsants, et lui et Nil avaient des vues divergentes concernant les responsabilités spirituelles de l'Église. Joseph avait un agenda bien plus vaste et spécifique concernant le rôle de l'Église dans la politique russe et les luttes de pouvoir, alors que Nil conseillait aux Moines de retourner à leurs vœux de pauvreté, prière et dévotion. Si la contemplation était la raison première des Moines pour se rassembler dans des communautés très priantes, alors il serait bon de ne pas être chargés par les soucis de diriger de grandes propriétés, des questions de travail des paysans et de servitude, l'incroyable dépense de temps que prenait la gouvernance des villages attachés aux propriétés monastiques et ecclésiales. La richesse personnelle atteinte par nombre d'Abbés et de Moines de même que le prestige et la puissance venant avec n'étaient pas seulement loin du chemin de leurs vœux de pauvreté, mais en plus les entravaient grandement dans leur voyage sacré vers Dieu.
Nil, avec les autres clercs et Moines qui le soutenaient, reçurent le nom des "Non Possesseurs". Ils devinrent la conscience qui rappelait à l'Église russe le besoin de la simplicité et de l'humilité dans la relation à Dieu, à la propriété, à la prière, et pour les communautés dévotionnelles qu'ils espéraient voir enrichir la vie spirituelle du peuple russe. Les "Non-Possesseurs" rappelèrent sans cesse à l'Église la tradition des anciens Pères, le rôle de la prière hésychaste telle que propagée par le Mont Athos, et la primauté des Évangiles et des Épîtres pour établir une solide fondation de dévotion. Au moindre doute, Nil se tournait toujours vers l'Évangile et priait et méditait pour comprendre ce qu'il lisait. C'était la source première de sa grande vision et de son appel au retour vers les bases de la tradition Trinitaire et le chemin chrétien de simplicité de l'antique Église.
Ceux qui détenaient les clés du pouvoir avaient tout à perdre. Ils consolidèrent leur pouvoir et firent appel à Joseph pour les guider pour repousser les arguments des "Non-Possesseurs". Joseph et son cercle de partisans furent appelés les "Possesseurs". Ils se firent les grands partisans de l'accroissement des possessions terrestres des communautés monastiques, et à l'accroissement du rôle puissant de l'Église dans la relation avec le gouvernement de l'État russe en développement et nouvellement consolidé. Ils soutinrent la noblesse et les grands propriétaires terriens, et reçurent tant de vraies terres que du pouvoir politique en échange de leur continuel soutien. Joseph lui-même reçut sept villages de Sée Grandis comme remerciement pour son soutien et sa guidance.
Les deux camps se servirent pour modérer de quelques unes des positions extrêmes de l'autre. Les "Non-Possesseurs" furent souvent accusés d'une forme de "puritanisme" en relation avec l'ornementation de l'église, et même remirent en question la valeur spirituelle des nombreuses icônes pleines de bijoux que la plupart des grands monastères possédaient. On dit que Nil ne voulait ni or ni argent dans l'ornementation, les vases et les calices sacramentels de sa petite chapelle taillée à la rude. Bien qu'ils n'étaient sûrement pas iconoclastes, les "Non-Possesseurs" encourageaient une forme plus simple d'embellissement architectural et d'iconographie. Nil sentait que la beauté du sanctuaire pourrait finir par distraire le fidèle de sa prière et du développement de sa relation personnelle à Dieu.
Après que Nil eut présenté ses soucis et conseils au Synode, il s'en retourna simplement dans le désert qu'il savait aussi être son refuge. L'inutilité du combat était visible dans l'avidité et le pouvoir qui avait déjà inondé la structure et la hiérarchie des grandes communautés monastiques. Les grands biens terrestres et le développement de la position formaliste et ritualiste à l'intérieur de l'Eglise avait déjà commencé à "dépersonnaliser" le Mystère de la relation sacrée entre l'homme et Dieu. Pour Nil, l'Eglise allait vite devenir ce monde auquel il voulait échapper. C'était une institution qui s'était détournée et avait cessé de regarder vers Dieu pour s'occuper des soucis des affaires et du pouvoir et de la politique. Lorsqu'il retourna dans le monde noir et humide de son Skete et des quelques moines qui s'étaient assemblés pour apprendre son chemin vers Dieu, il se retira finalement du monde. Il ouvrit la porte de sa cellule, et vint à la maison de la contemplation priante qui était le centre de sa vie. C'est cet exemple de retour qu'il a légué au monde. Le constant rappel que l'on doit toujours se retourner et se retourner vers Dieu. Peu importe à quel point on aurait pu devenir puissant et riche et imprégné des plaisirs de ce monde. Le coeur doit toujours faire chemin retour vers Dieu, et la Puissance du Saint-Esprit, et l'exemple du Christ. Si quoique ce soit a subsisté de son héritage au-delà des spécificités des "Non-Possesseurs" dans l'Histoire, qui est Histoire d'une nation et d'une Église, c'est bien l'appel de Saint Nil de la Sora à se tourner vers Dieu. Cet héritage est au-delà du temps et de l'espace, et nous balise tous le chemin vers un désert où nos cœurs peuvent contempler la grande bonté de l'Être Divin, et où chacun d'entre nous doit lutter pour devenir comme le Christ, basant nos vies sur la simplicité de l'amour et de la vérité et du pardon.
Saint Nil naquit au Ciel en 1508 à l'âge de soixante-quinze ans. Il a laissé derrière lui sa dernière volonté et instruction à ses disciples :
"Moi, l'indigne Nil, je supplie mes supérieurs et frères qui sont du même esprit que moi, d'accomplir cette dernière volonté qui est mienne. Après ma mort, jetez mon corps dans le désert, afin que les bêtes et les oiseaux puissent le dévorer, car il a bassement péché contre Dieu et est indigne d'une sépulture. S'ils ne font pas cela, alors creuser un grand trou là où nous vivons, et ensevelissez-moi là avec toutes les sortes de manques de respects. Craignez les paroles que le grand Arsène adressa comme commandement à ses disciples, disant : 'Je vous ferez citer au Jugement si vous donnez mon corps à qui que ce soit.' Il a toujours été mon plus cher désir autant que mes forces l'ont permis de ne recevoir ni honneur ni louange dans cette vie monastique, alors qu'il en soit ainsi après ma mort. Je vous supplie tous de prier pour mon âme pécheresse, et je vous demande à tous pardon comme je vous pardonne tous. Puisse Dieu nous pardonner tous."