SAINT BEUVON, GENTILHOMME PROVENCAL (+ 986)
"La vie de l'homme sur la terre est un combat perpétuel"(Job 7,1)
Saint Bobon, que nous appelons communément Saint Beuvon, et les Italiens San-Bovo, fils d'Adelfrède et d'Odilinde, naquit en Provence dans le château de Noguiers, vers les commencements du règne de l'empereur Othon Ier et du roi Louis d'Outremer. Son père, qui suivait la profession des armes, le fit élever dans les mêmes exercices; mais il eut grand soin de le former en même temps à la vertu; de sorte que Beuvon ayant toujours la crainte et l'amour de Dieu dans le coeur, sut allier, par un bonheur fort rare, la piété et la modestie avec la grandeur du courage et les autres qualités militaires qui attirent l'estime et la considération des gens du monde. Sobre, chaste et tempérant, il était sans cesse appliqué à contenir et à modérer ses passions; il y faisait servir utilement les exercices de la course, de la chasse et de l'arc : il recherchait ce qui pouvait lui endurcir le corps et le garantir de la mollesse et de l'oisiveté. Il ne faisait rien sans le rapporter à Dieu; dans toutes ses actions, il avait en vue soit de servir l'Eglise ou son prochain, soit d'acquérir un plus haut degré de vertu. Par là il se rendit l'objet de l'estime et de l'affection de tous ceux qui le connaissaient, et le modèle des gentilshommes et des soldats chrétiens.
Dieu lui fit naître diverses occasions d'exercer son zèle pour l'honneur et les intérêts de la religion. Les Sarrasins, ennemis déclarés du Nom de Jésus Christ, incommodaient extrêmement les côtes de Provence, et sur mer par leurs pirateries, et sur terre par leurs brigandages. S'étant rendus les maîtres du château de Garde-Fresnet, qui était une presqu'île du Golfe de Saint-Tropez, au diocèse de Fréjus, ils en avaient fait le repaire de leurs crimes et de leurs violences. Ils égorgeaient impunément, en haine de la religion, les Chrétiens qui tombaient en leur puissance. Toute la contrée était leur proie : il n'y avait plus de sûreté pour la vie, les biens et l'honneur des particuliers. Les habitants du pays, connaissant le courage de Beuvon, eurent recours à lui pour les délivrer d'une si cruelle vexation : il embrassa avec ardeur cette occasion d'exposer sa vie pour ses frères. A la tête d'une troupe de gens armés, il se saisit de la montagne de Pierre-Impie, qui était vis-à-vis du Fresnet. Aidé par le concierge de ce château, il s'en empara, défit les Sarrasins et fit prisonniers leur chef et ses enfants. Il lui fit grâce, ainsi qu'à tous ceux qui voulurent embrasser le Christianisme.
Après avoir rendu la sécurité et la paix à cette côte, il renonça entièrement aux armes pour se livrer aux exercices de la pénitence dans la retraite. Il vécut toujours depuis dans une grande mortification, et fit tous les ans un pèlerinage de dévotion à Rome, dans un équipage très-pauvre, ne menant avec lui qu'un mulet dont il ne se servait que pour porter quelques hardes et pour soulager les passants qui en avaient besoin. Il faisait ce long voyage à pied, cherchant à porter sa croix en toutes manières pour tâcher de suivre Jésus-Christ. Dans un de ces pèlerinages, l'an 986, étant arrivé après le Dimanche de l'Ascension, à Voghera en Lombardie, près de Pavie, de l'autre côté du Pô, il y fut arrêté par une maladie dont il jugea aussitôt qu'il ne relèverait pas. Il se prépara à recevoir chrétiennement la mort, à laquelle il se disposait depuis longtemps; et, ayant distribué aux pauvres tout ce qu'il avait, il s’endormit samedi, veille de la Pentecôte, qui était le 22 mai. Les habitants de Voghera ne connaissaient pas le trésor qu'ils possédaient; mais l'éclat des miracles leur apprit bientôt qu'un Saint s’était endormi dans le Seigneur chez eux.
On leva de terre le corps du Saint quelques années après sa première sépulture : on le mit dans un cercueil neuf, et on dressa un autel sous son nom, dans une église que l'on bâtit en même temps.